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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

Il y a de ces choses qu’il est si difficile de dire. Quand la comtesse le souhaite, il lit pour elle des romans, naturellement. Que peut lire une dame du monde, une dame de goût, sinon des romans ? Ils sont seuls elle et lui en pareil cas, et il arrive souvent que la comtesse étendue sur une chaise longue, interrompt son lecteur, met sa jolie main diaphane dans le livre, en guise de signet, et lui sourit de ses yeux tranquilles.

— Comme c’est piquant, n’est-ce pas ? murmure-t-elle. Aimeriez-vous vous trouver dans une situation semblable ?

Pendant ce temps, le pauvre jeune dieu en veste de hussard, l’amoureux baron Keith, endure toutes les tortures de la jalousie. Il voit un rival heureux en Wolfgang, alors que la comtesse commence déjà à n’être plus visible pour le sculpteur ; c’est qu’il n’est reçu lui-même qu’exceptionnellement, ou, en d’autres termes, quand la comtesse est de mauvaise humeur et qu’il n’y a pas autour d’elle d’autre mouche pour lui arracher les ailes.

Le plus fâcheux en tout ceci, est que le baron Keith a besoin de beaucoup d’argent et que, dans sa noblesse, la comtesse a eu coutume, avec lui comme avec d’autres, de ne pas faire de différence entre le tien et le mien. Donc, non-seulement il