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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

poursuit et qui s’enveloppe d’un grand vilain drap comme une timide jeune fille.

— Mais, Wolfgang, tous ces noms-là font autorité.

— Je ne reconnais pas d’autorités !

— Et tu as raison, interjette Andor avec force. Ce n’est pas pour rien que, nous modernes, nous avons l’ironie, cette ironie que Heine et Bœrne ont introduite dans nos esprits et qui nous a délivrés de toutes les traditions, de tout respect pour les anciens, de tout le passé. Pour nous, il n’y a plus d’autorités. Jadis, un débutant admirait les grands maîtres ; quelque bien doué qu’il fût, il aimait à vivre de leur art ; il les imitait même un certain temps, il se faisait ensuite, d’après eux, son genre particulier et, à son tour, il finissait par devenir maître. Aujourd’hui, nous n’avons plus besoin de tout cela. Pourquoi en aurions-nous besoin ? Virgile s’est inspiré d’Homère, Dante de Virgile ; Racine et Corneille sont allés à l’école de Sophocle et d’Euripide, Gœthe et Schiller à celle de Shakespeare ; mais, parmi nous, quiconque broie des couleurs se croit au-dessus de Raphaël ; quiconque manie les ciseaux dans un bureau de journal se croit au-dessus de Voltaire et de Lessing. Notre spécialité à nous est de promettre des chefs-d’œuvre titanesques, au lieu de les enfanter, de