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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

rivage, où il fut délivré par l’enfant verdâtre des deux mauvais génies qui l’avaient torturé, on ne fit pas même attention à lui.

L’assistance était très-préoccupée de son incertitude complète, en ce qui concernait la personne, la position de celui qu’elle admirait.

On le disait étranger, mais un étranger, cela peut tout aussi bien vouloir dire un coiffeur, un acrobate, un aventurier que « l’un des nôtres ». Chaque comtesse calculait déjà ce qu’elle aurait à faire si le patineur venait l’inviter à se laisser conduire par lui sur la glace. Quel honneur ce pouvait être, et peut-être, en fin de compte, quel déshonneur !

Il n’y avait pas du tout lieu, pour les illustres dames, d’être ainsi embarrassées. D’abord, le baron Keith, qui connaissait l’étranger, vint lui dire bonjour ; il eut aussitôt l’occasion de répandre cent dix-sept fois la nouvelle que le patineur était un baron Oldershausen, propriétaire terrien dans un état voisin.

En second lieu, il ne vint nullement à l’idée du matador du patinage de faire reine du jour l’une des comtesses fanées ; au contraire, il alla tout droit à la jolie Micheline Rosenzweig, se présenta lui-même et entraîna précipitamment sur la glace la rose du Ghetto, radieuse de joie, pour y tracer