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— Qui vous l’a dit ?

— Vos chers, bons et beaux yeux le disent pour vous. Oh ! quels superbes yeux vous possédez-là, Anna !

— Oui donc, vous pouvez venir, à la condition de promettre de me respecter.

— Sur ma parole de gentilhomme, s’écria le baron Steinfeld ; en même temps, il offrit à Anna son bras, que celle-ci prit alors sans hésitation. En le voyant se promener ouvertement à son côté à travers les rues brillamment éclairées, elle reprit confiance et comprit aussitôt les avantages de sa situation. Car elle sentait bien que cette intimité imposait envers elle au baron des devoirs d’une toute autre nature que ceux qui lient un riche gentilhomme à la maîtresse, aux pieds de laquelle il se jette volontiers dans son boudoir, mais qu’il ne pourrait consentir à reconnaître en pleine rue. Son raisonnement était donc en tous points excellent.

Mais sur le Graben, un événement se produisit qui déconcerta complètement la pauvre ouvrière : Le baron Steinfeld ouvrit à l’improviste la porte d’un magasin de fourrures, et, avant qu’Anna Klauer ait bien pu se rendre compte de ce dont il s’agissait, elle se trouva tout à coup au milieu de fourrures princières d’hermine et de zibeline, et humblement invitée