Page:Sacher-Masoch - Les Batteuses d’hommes, 1906.djvu/89

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 71 —

d’apprendre à vous connaître, et de prendre vous-même un peu la peine d’entrer dans mes vues et de considérer que vous avez affaire à un homme d’honneur, voici ma carte. Mon nom est Jules, baron Steinfeld.

La jeune fille prit la carte et se tut.

— Vous ne daignez pas me répondre ? dit le baron Steinfeld.

— J’en causerai à mes parents, répondit-elle, pour aujourd’hui, qu’il vous suffise d’apprendre que je m’appelle Anna Klauer. Mon père est ouvrier de fabrique, ma mère blanchisseuse, et, moi-même, je suis gantière. Trouvez-vous demain, vers cette heure-ci, au pied de la tour de l’hôtel de ville, je vous remettrai ma réponse ! Là-dessus, elle hocha légèrement la tête et s’éloigna avec la démarche d’une vraie princesse, alors que le baron, baissant son chapeau jusqu’à terre, demeurait cloué à la même place afin de la suivre le plus longtemps des yeux.

Le soir suivant, le baron fut plus que ponctuel au rendez-vous, mais la belle ouvrière le fit attendre. Comme elle arrivait, il se précipita impatiemment à sa rencontre. Sur ce, la jeune fille se prit à rire involontairement ; elle était flattée de voir un grand seigneur de sa qualité si enflammé pour elle.

— Tout mon bonheur, je vous le jure, dit le