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lumière. Jamais plus belle occasion ne s’offrirait à elle de devenir indépendante, tout en continuant à vivre dans une opulence princière.

Sous l’obsession de cette pensée criminelle qui lui faisait oublier toute prudence, elle alla, la nuit venue, rejoindre son jeune amant.

Enlacée à lui, dans l’enivrement des caresses, elle exposa à Stephan son plan diabolique. Le jeune homme en demeura épouvanté et la conjura de renoncer à son abominable projet. Mais, elle, invoqua l’amour, la passion que lui, Stephan, avait su lui inspirer, lui fit entrevoir le bonheur sans nuages qui les attendait, une fois libres l’un et l’autre, au sein du luxe et des richesses : elle fut, tour à tour, suppliante et menaçante, et finit par laisser à son amant le choix entre la perte de sa possession ou un crime.

Quand elle l’eut quitté, Stephan, éperdu de jouissance, et que l’idée de l’abandon de sa superbe maîtresse avait rendu lâche et infâme, se résolut au plus abominable des forfaits : il tuerait ou laisserait tuer son bienfaiteur.

Quelques jours plus tard, le magnat fut obligé de se rendre chez un de ses voisins pour y traiter de l’achat d’une forêt. Il partit seul, à cheval, de grand matin. Il devait être de retour dans la soirée : le lendemain, il n’avait pas encore reparu !