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une femme bizarre, capricieuse, positive, entêtée et orgueilleuse. Elle s’habitua vite à chercher au dehors les satisfactions dont elle était privée dans son intérieur. Mais elle était obligée à beaucoup de prudence afin de ne pas éveiller la jalousie de son vieux mari au tempérament bilieux et vindicatif ; elle tenait surtout à conserver le luxe et la splendeur asiatiques dont elle était entourée. La nécessité de dissimuler et de se contraindre la rendait chaque jour plus astucieuse, plus assoiffée de plaisirs, et plus dépravée.

Kasimira était de cette race sauvage de femmes qui jouent un rôle typique dans l’histoire et dans les légendes de la Hongrie ; de ces femmes qui, pour se conserver éternellement fraîches et jeunes, éternellement belles, n’hésitaient pas à se baigner dans le sang humain, attelaient leurs amants à la charrue, et les accablaient de coups de fouet, qui les faisaient coudre dans des peaux d’ours, et lâchaient sur eux des meutes féroces.

Celle-ci possédait une beauté démoniaque. Sa taille haute et svelte révélait, à chacun de ses mouvements, la souplesse, l’élasticité et l’énergie de la race féline, si gracieuse et si cruelle. Des cheveux noirs comme l’aile du corbeau, et d’une rare abondance, encadraient son char-