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venait d’attacher une torche enflammée à l’un des barreaux de la cage aux lions, et c’est là, dans cette cage, au milieu de ces fauves, que se trouvait enfermé l’infortuné prince. Un effroi indicible s’empara de tout son être. Irma, les bras croisés sur la poitrine, se tenait devant la grille et, tout en le contemplant de ses yeux bleus et froids, poussait des éclats de rire saccadés et sataniques.

Le prince s’efforça vivement d’ouvrir la porte, mais en vain.

— Pour Dieu, Irma, que signifie cela ? fit-il, la voix pleine de sanglots.

— Je célèbre aujourd’hui mes noces avec toi et mes lions sont nos invités !

— As-tu perdu l’esprit ?…

— J’ai, au contraire, plein sens de ce que je fais. Tu m’as trahie, or je t’ai condamné à mort. Sus à lui mes amis !

De son fouet, elle se mit à réveiller et à exciter les fauves assoupis, tandis que le prince appelait éperduement au secours. Affolés par ses cris perçants et par les encouragements d’Irma, les grands félins bondirent sur le malheureux. Sous leurs grilles et leurs puissantes mâchoires, bientôt son sang coula. Il implora et lutta en désespéré, tandis que, appuyée contre les froids barreaux, elle se repaissait de son agonie, de ses tortures.