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lui dit d’un air tendre et soucieux, tout en l’enveloppant de la moëlleuse pelisse : — Irma, veux-tu que je te dise pourquoi le prince ne se montre plus ?

— Parle, fit-elle sourdement, je suis prête à tout entendre.

— D’ici trois jours, il doit célébrer sa noce.

— Tu mens.

— Pourquoi mentirai-je ?

— Comment se nomme sa fiancée ?

— La princesse Agrafine Slobuda.

— Est-elle belle ?

— Belle, jeune et riche.

Irma poussa un mauvais éclat de rire.

— Dis-moi que tu verseras une larme, une seule, si je meurs pour toi, s’écria Edgard, et j’irai te venger, je le tuerai…

— Non, Edgard, tu n’as pas à agir, pas toi…

— Alors le polisson va demeurer impuni ?

— Certes non, répondit-elle d’un ton calme et résolu.

— Eh bien, laisse-moi le tuer, murmura Edgard de ses lèvres blêmes et frémissantes.

— Non, fit Irma, abandonne-le moi.

Edgard lança un regard qui éclaira de reflets haineux son visage diabolique, comme enserré et torturé dans les replis terribles des hideux serpents de la vengeance.