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cela, elle écrivait dans les journaux, et donnait des conseils aux paysans sur l’agriculture et l’élevage des bestiaux. Elle parcourait la contrée à cheval, assise à califourchon comme un garçon, et bientôt fit parler d’elle dans tous les alentours.

Ce fut au milieu de cette activité fébrile qu’elle fit la connaissance de Semen Poultowski, qui étudiait la chimie à Kiew et revenait passer dans la maison de son père, receveur des douanes, les vacances de Pâques. Ils commencèrent par s’exercer ensemble au tir au pistolet et à l’escrime, et finirent par s’amouracher l’un de l’autre. Malgré le caractère positif et pratique de leurs aspirations et du but qu’ils s’étaient tracé, ils brûlaient tous deux d’une enthousiaste passion pour le bien et l’idéal ; ils étaient pardessus tout, enfants de la nature, ayant conservé un peu du caractère sauvage de la race petite russienne. Aussi leur amour ne fût-il pas un choix inspiré par l’agrément, ni une réciproque complaisance, ni une sentimentalité s’enivrant de rêve au clair de lune, et moins encore un amusement frivole ; il y avait quelque chose de rustique et de primitif dans leur façon de sentir.

Semen retourna à Kiew pour y continuer ses études, mais il revint passer les mois de vacances chez ses parents, et le lien qui l’attachait à