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gerie dans leur propre équipage et rentrait à la maison également en leur compagnie, ne recevait aucune visite et ne se montrait jamais seule, soit dans la rue, soit quelque autre part. Cette austérité de vestale et cette réserve excitait les sens des galants seigneurs et piquait davantage la curiosité du restant de la population, en tant que la Suédoise devint bientôt aussi populaire à Bucarest que l’avaient été, avant elle, la Catalani et la Lola Montez.

Un certain soir, le prince Maniasko, — la coqueluche des dames de Bucarest, — précisément de retour d’une fugue faite à Paris, se rendit à la ménagerie. En compagnie de quelques amis, il visita les différents animaux, prit plaisir à les voir travailler et manger et finalement alla se planter devant la cage aux lions, attendant, un sourire sceptique aux lèvres, l’arrivée de la célèbre Suédoise. Tout-à-coup, une petite porte, située au fond de la cage, s’ouvrit et, au milieu d’applaudissements frénétiques, apparut Irma ; d’un mouvement d’une fierté inimitable, elle rejeta la grande plisse de velours fourré dont elle était recouverte, et, revêtue d’un costume de satin blanc bordé d’hermine rouge, légère et souriante, elle pénétra dans la cage des fauves, un fouet en fil d’archal à la main, droite, svelte, au visage le