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là ? dit le brigand, dont l’étonnement était loin d’être feint.

Par dessus l’épaule de l’homme, la vieille lança à sa fille un coup d’œil signifiant sois prudente ! mais celle-ci n’y prit garde.

— Ne crains-tu pas la vengeance de la hyène ? appuya le bandit.

— Je me ris d’elle, dit Ursa, cette nuit est la dernière que je passerai sous ce toit. Demain de grand matin, ma mère et moi quitterons non seulement ces lieux, mais notre patrie et irons, avec Bethlémy qui me doit la vie et m’aime plus que tout, en Amérique.

— En cela tu fais bien ! répondit le brigand souriant d’une façon étrange et sinistre. Là-dessus, il se leva, paya son écot et s’éloigna rapidement.

— Qu’as-tu fait ? dit la mère, nous sommes perdues !

— Au contraire, je sais fort bien ce que j’ai fait, répondit tranquillement la fille.

 

La nuit venait de tomber. La vieille était montée dans la pièce au-dessus et priait, tandis qu’Ursa fredonnait et chantait à plein gosier. Tout à coup, on frappa à la porte.

— Qui est là ? demanda la fille.

— Quelqu’un qui paiera sa consommation, fut la réponse.