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pas longtemps seul. Bientôt il entendit dans la pièce voisine le frou-frou d’un vêtement de femme, puis la lourde portière qui cachait la porte s’entr’ouvrit.

Une grande et majestueuse femme toute vêtue de velours noir, enveloppée d’un voile, le visage recouvert d’un masque de velours noir, entra et mesura le baron d’un regard qui lui glaça le sang dans les veines.

— Me connais-tu ? fit une voix bien connue.

— Princesse ! s’écria Steinfeld, soudain délivré de toute angoisse, c’est vous-même et tout ceci n’est donc qu’une plaisanterie ?

— Il n’y a pas de plaisanterie, baron, mais une effroyable réalité, répondit la dame masquée, me connais-tu vraiment bien ?

— Non !

— Fort bien, je vais alors te venir en aide, misérable ! s’écria-t-elle arrachant son masque et rejetant son voile. C’était bien la princesse, mais elle avait teint ses cheveux en noir, de façon que Steinfeld la reconnut sur le champ.

— Anna Klauer ! balbutia-t-il avec terreur.

— Oui, Anna Klauer, dit-elle, les bras croisés sur la poitrine ; la pauvre ouvrière que tu as séduite, que tu as ravi au travail béni, corrompue par ton luxe, pour l’abandonner ensuite et la reléguer au ban du vice. Cette Anna Klauer qui a noyé