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prêt d’éprouver pareil sort. Bientôt il jeta le roman de côté et se rendit aux écuries où il sella lui-même son cheval. Quand ce fut fait, il se rendit dans la salle de ses domestiques et causa avec eux tout en fumant un havane.

Enfin, l’horloge du château sonna neuf heures.

Le baron bondit, monta en selle et piqua des deux. Les plus douces images surgirent à son esprit en cours de route : il vit en imagination Sarolta l’attendant revêtue d’un vêtement nuptial, son cœur battit fort, les pulsations de son pouls décuplèrent. Il ne voyait ni à droite ni à gauche, son regard était complètement concentré sur lui-même. À mi-chemin, il parvint à une chapelle qui avait été érigée à l’endroit même où un riche bourgeois avait été assassiné par des brigands. À ce même instant, deux coups de feu retentirent, le cheval de Steinfeld tomba foudroyé et le baron lui-même fut pris dessous la bête et demeura complètement à la merci d’hommes à la face noircie qui avaient bondi sur lui d’un fourré voisin et n’eurent aucune peine à le maîtriser et à le ligoter. Il ne put douter qu’il était tombé entre les mains de bandits et prit son sort en philosophe.

— Dites-moi, pauvres garçons, s’écria-t-il, rendez-moi la liberté et vous gagnerez une grosse somme. Je suis attendu par une belle femme, et vous comprenez que c’est là pour moi une aven-