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derrière et vous conduira dans ma chambre à coucher. »

Steinfeld embrassa la lettre plus de cent fois, il ne cessait de la couvrir de baisers et était absolument dans une jubilation telle qu’il n’en avait jamais connue de pareille dans toute son existence. Il se rêvait déjà le vainqueur de la femme la plus désirable au monde et son imagination lui dépeignait la conquête de l’altière Sarolta sous les couleurs les plus romanesques.

Il n’avait encore jamais comme aujourd’hui apporté autant de soin à sa toilette. Son vieux valet de chambre l’avait rarement vu aussi impatient, rien n’allait : par cinq fois il arracha sa cravate et en prit une autre. Enfin il fut prêt. Il avait encore une heure devant lui pour se rendre à Parkany : cette heure lui parut un siècle.

Il prit le premier livre venu. Ce livre traitait des mystères de Paris, et Steinfeld en lut une scène où, par ses cruels artifices, une jolie créole fait de son adorateur le partisan acharné d’une sensualité touchant à la démence. Le baron se grisait à cette image et il lui semblait que ce devait être une sorte de jouissance de tomber entre les mains d’une femme aussi impitoyable. Il ne se doutait pas qu’il était lui-même bien