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tendit à la maîtresse du château sur un plateau d’argent une carte de visite que celle-ci lut sans cérémonie : « Baron Steinfeld ». Sarolta se prit à trembler et ses lèvres blêmirent. Puis, se ressaisissant : Steinfeld, fit-elle, n’est-ce pas le gentilhomme qui fut jadis victime d’un attentat ?

— Lui-même, répondit la comtesse. Il fut très grièvement blessé d’une façon absolument énigmatique aux côtés de sa femme, mais, grâce à la science d’un médecin, il parvint à se rétablir.

Le baron lui-même se chargea de fournir de plus amples explications. Depuis cette catastrophe qui avait failli lui coûter la vie au château de Goldrain, Steinfeld avait singulièrement vieilli. Ses cheveux et toute sa barbe, qu’il portait maintenant, étaient complètement grisonnants, sa face blafarde était sillonnée de rides profondes gravées par le sort qu’il avait enduré, son port avait changé et était devenu absolument raide et empesé. Seuls ses yeux conservaient encore leur lueur du passé. Par contre son ancienne maîtresse semblait toujours presque aussi jeune. Il eut été difficile d’établir facilement entre Anna Klauer, la fille de pauvres ouvriers devenue plus tard la maîtresse du baron et la princesse Sarolta Parkany, si ce n’est que les cheveux blonds dorés de la dernière lui don-