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marches de l’étroit escalier tournant qui conduisait à la tour de garde habitée seulement par les hiboux, les corbeaux et les rats. Comme elle atteignait la porte vermoulue de la petite chambre située immédiatement sous les créneaux et où, à l’époque de la chevalerie, le veilleur se réfugiait, son oreille fut frappée par une étrange chanson monotone à laquelle une autre voix de femme répondait, et à ce moment elle fut saisie d’effroi. Mais cette femme n’était pas en état d’intimider qui que ce soit. Sarolta frappa fortement à la porte et s’écria : « Ouvre, Halka, c’est moi, je viens te rendre visite dans ton antre de sorcière. »

La porte s’ouvrit aussitôt et la sinistre vieille, emmaillotée dans un drap noir, un haillon rouge enveloppant, à la façon d’un turban, son visage rude et ravagé, accueillit sa visiteuse inattendue avec un ricanement amical. Sarolta se vit avec étonnement dans la petite pièce cintrée. À l’un des murs se trouvait fixé un foyer sur le feu ardent duquel reposaient toutes sortes de creusets, de cornues et de matras, en face une antique armoire toute noircie par le temps, remplie de flacons de verres et de boîtes de toutes couleurs. Dans un coin, diverses plantes et racines ; dans l’autre, un haut fauteuil de cuir, sur le sommet doré duquel était perché un corbeau en train de