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rait exprès son entourage, et si quelqu’un se révoltait contre elle, elle passait jugement contre lui et le châtiait comme un nègre rebelle. Quiconque se trouvait près d’elle tremblait devant elle, et, plus elle se faisait craindre, plus elle jubilait, plus elle paraissait se sentir heureuse Aussi bien à Pesth, les grands seigneurs ou les financiers, jeunes ou vieux ne l’approchaient-ils sans réussir à nouer la moindre intrigue. Sarolta poussait l’austérité au point de leur renvoyer non seulement leurs billets d’hommages, mais aussi leurs bouquets et surtout leurs présents. Aussi les autres membres de la société ne manquaient pas de démontrer à tous les adorateurs qui recherchaient si inutilement les bonnes grâces de cette étrange beauté son caractère altier et impérieux, si bien que, parmi toute la société élégante de Pesth, Sarolta passa bientôt pour la plus austère des vertus et pour une femme d’une cruauté absolument diabolique.

Dès lors, la réputation extraordinaire qu’elle s’était acquise excita tout homme qui baillait aux côtés d’une bonne et fidèle épouse, à se laisser maltraiter par une courtisane sans cœur, et chaque jour apportait de nouveaux triomphes à la vertueuse écuyère.

Un certain matin, comme Sarolta reposait