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nommait désormais, Sarolta Kuliseki, se montra si aimable, flirtant avec chacun, qu’à la fin de la représentation, une douzaine d’esclaves de toutes les classes de la société étaient enchaînés à son char de triomphe. L’un d’eux, un jeune et élégant officier de cavalerie fut assez rusé pour l’attendre à la sortie, la suivre et sur le champ lui offrir son bras et son assistance.

Elle le dévisagea de haut en bas, puis se prit à rire. « Pour qui me prenez-vous ? » dit-elle, « je ne suis pas une fille ; les filles ont du cœur, moi, je n’en ai plus ! » Là-dessus, elle abandonna le bras du galant officier et le laissa au plus haut point stupéfié.

Cette même nuit, Anna Sarolta décida de se faire écuyère. Une belle écuyère n’était, elle le savait bien, rien de neuf, mais une écuyère belle autant que vertueuse ne pouvait manquer de produire une sensation parmi les hommes de toute classe et elle pourrait à son gré les enchaîner et en faire ses esclaves. Quant à elle, ce ne serait qu’un jeu de se montrer vertueuse dans toute l’acception la plus cruelle du mot, car elle n’était plus capable d’aimer et de s’enrichir ainsi. Le monde s’ouvrait devant elle et, de sa lutte contre lui elle devait retirer la victoire.

Le brillant éclairage du Cirque et son élégant