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faiblesse, sans pitié, la triste voie qu’elle avait choisie, qu’elle s’était tracée et de courir au but certain où sa haine de l’homme et son infernal égoïsme l’avaient conduite. Elle voulait devenir une grande dame, riche et puissante, afin de pouvoir se venger sur tout le genre humain de la trahison d’un homme qui ne lui avait laissé pour tout sentiment que le mépris.

Néanmoins, pour atteindre son but, elle n’était pas en vue, aussi bien se résolut-elle presque à monter sur la scène, soit comme danseuse, soit comme actrice. Maintes fois elle avait entendu dire que les femmes de théâtre, en dépit de leur basse extraction, et de leur conduite légère, parvenaient finalement à devenir les femmes légitimes de barons, comtes ou princes, voire même de régents qui les épousaient de la main gauche. Une circonstance imprévue vint fixer son choix.

Sur un coin de mur s’étalait une affiche. Elle la lut : Cirque Cibaldi. Aujourd’hui grande représentation, etc.

Elle retourna chez elle et envoya chercher une loge. La représentation était à peine commencée, comme elle parut dans le Cirque. Tous les regards se tournèrent aussitôt vers la nouvelle et hétéroclite bien qu’éblouissante apparition, et Anna Klauer, ou plutôt, ainsi qu’elle se