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Tant que dura le traitement du coiffeur, elle ne quitta pas sa chambre et s’y fit servir tous ses repas. Mais, lorsque, vers le quinzième jours, sa chevelure brune fut devenue d’un or rouge semblable à celui des Niebelungen, contrastant étrangement avec ses yeux foncés et donnant à tout son visage quelque chose de diaboliquement enchanteur, couverte d’un voile épais, elle quitta l’hôtel et prit ailleurs une chambre au mois. Là, elle changea de vêtements, — ceux qu’elle portait à Budweis et à Goldrain, — et, une heure plus tard, belle à ravir et certes, en tout semblable à la déesse de l’amour sortant de l’onde, vêtue de batiste blanche garnie de dentelles, on la vit trotter d’un pas léger et élastique par les rues de Munich.

Elle s’arrêta devant l’étalage des riches magasins, contemplant toutes ces belles choses de l’air d’une femme qui en a eu sa part, qui en possède encore et pourrait, le voulût-elle, en posséder encore davantage à l’instant même. Comme elle se faisait admirer de tous les élégants qui allaient et venaient, elle se mit à envisager une grave détermination, alors qu’un sourire frivole courait sur ses lèvres ; elle brisa avec son passé et se jura à elle-même de suivre désormais, sans égard pour autrui, sans