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ment son parti, s’enveloppa dans un châle, puis se rendit dans le parc de Laxenbourg, où elle se cacha dans l’obscurité. La nuit vint, une nuit noire, sans étoiles. Muette, navrée et complètement désespérée, n’exhalant aucune plainte, Anna Klauer s’étendit dans un obscur buisson de sapins, ne poussant aucun cri qui put déceler sa présence. La force de caractère de cette infortunée était telle qu’au milieu des plus grandes souffrances, elle ne laissa échapper aucun soupir, ne versa aucune larme. Quand enfin, elle tint son nouveau-né dans ses bras, elle étouffa son premier vagissement à l’aide de son mouchoir et, contrairement à toutes les mères, ne fut pas remplie de joie à la vue du pauvre innocent ; réunissant toutes les forces qui lui restaient, elle se traîna péniblement avec une énergie sauvage jusqu’au bord de l’étang voisin et presque inconsciemment y laissa glisser l’infortuné. Puis elle se mit à pleurer amèrement.

Une heure plus tard, elle rentra chez elle. Personne ne put se douter à sa mise ou à sa mine qu’elle venait de faire autre chose que sa promenade habituelle.

Le jour suivant, elle emballa tous ses effets et revint à Vienne, et, quittant cette ville le soir même, se rendit à Budweis, dans le dessein de rechercher le baron sur ses terres de la fron-