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disparu des murs, les pièces étaient veuves d’une partie de leur luxueux ameublement. La maîtresse abandonnée les avait vendus pour ne pas se vendre elle-même ou pour ne pas mendier ; car, après avoir, trois années durant, mené la vie d’une princesse, le travail lui semblait aujourd’hui dégradant.

Pénétrant dans sa chambre à coucher, d’un nonchalant signe de main, elle invita le baron à l’y suivre, puis, s’installant sur un canapé turc donc le luxe rappelait sa splendeur passée, elle l’y fit également asseoir. Elle rejeta alors le châle coûteux dont elle était enveloppée. Elle lança ensuite au baron un coup-d’œil perçant qui le fit changer de couleur : il pâlit.

Baissant les yeux, elle reprit : « Je sens que je suis sur le point d’être mère. Dans toute autre circonstance, je n’eusse pas cherché à te revoir, mais aujourd’hui j’ai des devoirs à remplir envers mon enfant et moi-même, tu en as aussi envers nous ; aussi bien ne puis-je penser, ne puis-je souffrir que tu m’abandonnes en cet état, que tu nous laisse l’un et l’autre dans la détresse ! » Des larmes perlèrent à ses yeux.

— Calme-toi, fit le baron, lui saisissant la main, j’ai toujours eu soin de toi, tant que tu ne m’as pas éconduit ; aujourd’hui me sens-je encore plus obligé à te venir en aide. Je vais te