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L’année dernière, il me restait encore un corbeau : celui-ci, me disais-je, ira jusqu’au bout avec moi ; mais un jour ça l’a pris au collet, lui aussi. Maintenant il n’y a plus personne dans ma cabane que moi. Qui voudrait rester avec un vieillard ?… Et puis je ne dors pas. Quand on est vieux, hélas ! il vous vient tant de choses à l’esprit ; j’ai peur d’être seul la nuit, oui, oui, — il eut un accès de rire, — le brouillard a tout à coup des pieds, et la neige a des mains, et ils viennent frapper aux fenêtres, à la porte, et la lune ouvre de grands yeux et me fait la grimace et me pose des questions auxquelles je ne puis pas répondre. — Il cracha énergiquement. — Alors je me sauve de chez moi, mon bon monsieur, et je cours où il y a du monde.

Le bonhomme m’amusait. — Ainsi, lui demandai-je, vous vous sentez à l’aise dans la société des hommes ?

— Au fond, répondit-il, je m’y ennuie souvent. L’homme de carton le regarda indigné.

— Ne vous fâchez pas, reprit Kolanko ; il n’y a rien que je n’aie déjà entendu. Je connais tout, tout. Et s’il y a du nouveau une fois par hasard,… qu’est-ce que cela me fait par exemple que Basile s’y soit pris un peu plus bêtement qu’Ivan lorsqu’il a tenté de séduire la femme de son ami ? Belles nouveautés, cela ! Le capitulant est encore le seul qui vaille la peine d’être écouté ; c’est pour cela que je suis venu m’asseoir à votre feu.

— La vie vous ennuie donc ?

— Sans doute.