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de l’œil gauche en s’adressant aux paysans d’un air d’intelligence. — Il l’a juré, cet homme, il l’a juré : il ne se mariera point !

Le capitulant lui lança un regard par-dessus l’épaule, à la suite duquel le Juif se retira en toussant et alla se jucher sur son siège, où il tournait le dos à la société. Pendant quelque temps, on le vit brandiller les jambes en comptant à haute voix, puis il fit sa prière et finit par s’endormir. Le bruit de ses talons, qui frappaient contre le bois, avait éveillé le chien, qui vint me sentir en étirant paresseusement ses jambes de derrière ; il alla ensuite examiner le traîneau, flaira les chevaux, et, comme ils penchèrent leurs têtes vers lui, il se mit à lécher le givre de leurs bouches en remuant la queue avec un petit gémissement amical. Ensuite il leva le nez, s’approcha du Juif, le sentit, se retourna immédiatement et leva la jambe, puis il revint, éternua en reniflant l’air froid, et se recoucha près du feu, le nez dans la cendre.

— Attention ! cria tout à coup le paysan qui montait la garde au coin du bois, voici quelqu’un qui court dans la neige.

Tout le monde regarda dans la direction qu’il nous indiquait, le capitulant seul ne bougea point.

— Ce n’est pas la peine de vous déranger, dit-il avec un sourire ; c’est une vieille connaissance.

— Ah ! c’est Kolanko ; dit l’homme de carton d’un ton larmoyant et en se grattant l’oreille.

— Celui-là nous manquait encore ! s’écria ce petit effronté de Your, les bras croisés sur la poitrine.