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que pour écouter la conversation. Il s’appelait Mrak, et il avait cet air sérieux, déterminé, qui est habituel à nos paysans. Près de moi était accroupi un bonhomme maussade, vêtu d’un sierak[1] gris de souris à long poil, dont la tête ressemblait à un parachute, pointue par le haut, large par le bas, et coiffée d’un petit bonnet en peau de mouton d’un blanc sale. Vu de profil, on eût dit qu’il avait été découpé grossièrement dans un vieux morceau de mauvais carton : un nez long, mince, pointu, feutré ; la bouche avait été oubliée, le menton se perdait dans le cou. Même les plis de son visage incolore étaient gauches : tout dans sa pauvre personne semblait raté, manqué ; sa silhouette, que le feu dessinait, avait quelque chose d’irrésistiblement grotesque.

À côté de lui était couché à plat ventre un gaillard que le petit Your aux cheveux de filasse appelait le compère Mongol. Tout près de là est un ancien champ de bataille où une horde tartare a éprouvé une sanglante défaite, il y a plus de deux siècles : les prisonniers furent employés à repeupler des villages dévastés ; je parierais que notre Mongol est un de leurs descendants. Il est de moitié moins long que l’homme de carton complètement développé, mais ce nabot est solide sur ses jambes comme un pot de fer. Il montre un cou de taureau, couché comme il est dans son pantalon de toile et sa vieille blouse, la poitrine nue dans la cendre chaude,

  1. Vêtement de bure à capuchon.