— Et sur quel pied êtes-vous à présent avec votre femme ? lui demandai-je après un long silence.
— Nous sommes polis l’un pour l’autre… Parfois, lorsqu’il m’arrive de me souvenir…, alors… alors j’ai la migraine ; … mais à cette heure nous sommes gais, gais ! houssah !
Il lança la bouteille contre le mur ; le Juif se réveilla en sursaut et tira son fronteau, qui lui glissa sur le nez.
— Ah ! maintenant je suis bien. — Il déboutonna son vêtement. — Toujours gai ! voilà la vie… voilà le bonheur.
Il se leva, vint au milieu de la salle, les bras coquettement appuyés sur les hanches, et se mit à danser la cosaque en se chantant à lui-même un de ces airs bizarres, pleins d’une fougue enfantine et d’une sauvage mélancolie. Tantôt il était presque assis par terre et lançait les pieds comme on jette une chose qui vous gêne, tantôt je le voyais bondir et tourner sur lui-même dans l’air. Enfin il s’arrêta, les bras croisés sur la poitrine, et branla tristement la tête ; puis il la prit dans ses deux mains comme pour l’arracher, et cria comme l’aigle lorsqu’il s’élance vers le soleil.
À ce moment, la porte s’ouvrit, et je vis entrer un vieillard vénérable, vêtu d’un sierak[1] brun, avec
- ↑ Espèce de long caban de bure à capuchon que portent les paysans.