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devint pourpre et s’enfuit. Peu à peu cependant nous devînmes une paire d’amis.

Mes garçons ne tenaient guère de moi. — Voudrais-tu tirer le renard ? — Oui, papa, si le fusil ne faisait pas tant de tapage. — Ou bien, à propos d’une rencontre avec l’ours : — Il venait droit à moi ; que penses-tu que j’ai fait alors ? — Tu as couru tant que tu as pu ? — La petite, elle, en riait. Quelquefois elle se drapait dans une peau de loup et faisait peur aux deux garçons, qui se cachaient derrière les jupes de leur mère. — Vous ne connaissez donc pas votre sœur ? — Maman, répondaient les gamins, elle est alors un loup pour de vrai ; ses yeux étincellent, et elle hurle que c’est un plaisir.

Les jours où je m’absentais, l’enfant errait dans la maison comme une âme en peine. — Pourvu que papa ne verse pas. — Pourquoi donc verserait-il ? — Oh ! je connais les deux noirs, ce sont des bêtes fongueuses. Ou s’il rencontrait un ours… — Papa le visera au milieu de la poitrine, là où est la tache blanche, dit mon fils d’un air compétent. — Et s’il le manque ? — Il ne le manquera pas.

Comme elle grandit, elle veut m’accompagner, se roule par terre en pleurant ; je finis par l’emmener. J’avais le petit fusil dont s’était servie ma femme. Je lui achète une gibecière, et elle part avec moi. La gamine était courageuse comme un homme, que dis-je ? comme pas un homme ! Comment vous expliquer cela ? Lorsque j’entendais craquer les branches : — S’il allait nous arriver quelque chose ? di-