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— C’est dommage, me dit un jour mon garde-chasse, monsieur ne va plus du tout à la forêt. J’ai découvert un renard pas bien loin d’ici, et des bécasses, — il faut vous dire que c’était ma chasse préférée, — puis elle est là, qui vous attend près de la pierre. N’aurez-vous point pitié de la pauvre femme ?

Je prends mon fusil et je l’accompagne jusqu’à la dernière clôture du village. Là, une terreur incompréhensible s’empare de moi ; je plante là le garde-chasse, et je rentre à la maison presque en courant. Je suis tout honteux, mais je marche sur la pointe des pieds, j’écoute, — il écarta à plusieurs reprises les cheveux de son front, — comment vous dire ? J’ouvre brusquement, et je vois ma femme… — Je vous dérange ? dis-je, et je referme la porte.

Qu’aurais-je fait ? Nous ne sommes pas les maîtres. L’Allemand, lui, considère la femme comme sa vassale, mais nous autres, nous traitons avec elle de puissance à puissance. Ici le mari n’a aucun privilège ; il n’y a qu’un droit pour l’homme et pour la femme. Si tu fais la cour aux filles, tu souffriras que ta femme se laisse conter fleurette par le premier venu. Tant pis pour toi.

Je me retirai donc, et j’arpentai l’antichambre. Le sentiment était éteint en moi ; c’était comme une paralysie morale. Je me répétais toujours : N’as-tu pas fait la même chose ? tu n’as aucun droit, aucun droit.

Enfin il sortit. Je lui dis : — Mon ami, je n’ai pas