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sage, ses cheveux, tout était onctueux, jusqu’à son collet, à ses bottes, à ses coudes. Il resplendissait, levait sur moi son jonc comme une houlette, et me sermonnait. — Mais, mon révérend, si nous ne nous aimons plus ? — Ho ! ho ! purgatoire ! s’écrie-t-il en riant à gorge déployée, et le mariage chrétien ? — Mais, mon révérend, notre bienfaiteur, est-ce une vie, cela ? — Ho ! ho ! purgatoire ! non, ce n’est pas ainsi qu’on doit vivre. À quoi servirait donc l’église ? Savez-vous, pauvre ami égaré, ce que c’est que la religion ? Ayez comme cela des rapports avec une fille sans l’aimer autrement, entretenez-la, chacun la méprise, et on vous appelle libertin ; dans le mariage, c’est différent. De quoi vous parle l’épouse chrétienne ? D’amour ? Non, purgatoire ! de son douaire et de vos devoirs. Ai-je raison ? Qui pense à l’amour ? Nourris ta femme, habille-la, c’est ton écot. Voilà le mariage chrétien. Purgatoire ! je m’entends… Un enfant de l’amour, c’est une honte ; ici au contraire, si on a des enfants, qu’est-ce que cela fait qu’on se déteste ? c’est la bénédiction du ciel. Est-ce l’amour qui fait le mariage, je vous prie, ou est-ce la consécration par le prêtre ? Si c’était l’amour, on se passerait bien du prêtre. Ergo ! je m’entends. — Ainsi parla notre curé.

Dès lors, je me sens de plus en plus seul à la maison. Je reste maintenant dehors quand on coupe les blés ; je m’assois sous les gerbes amoncelées comme sous une tente, fumant ma pipe, écoutant chanter les moissonneurs. Lorsqu’on abat du bois, je vais dans la forêt, j’y tire un écureuil. Je ne man-