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raison. — Il cracha. — Une fois je la prie en grâce de ne pas me faire cette chose ; le lendemain, elle ne desserre pas les dents, et lorsqu’on lui demande son opinion : — Je suis de l’avis de mon mari, — dit-elle d’un air pincé. Méchanceté tatare ! elle se faisait violence pour être de mon avis ! Et je vis encore !

Un jour, je perdis une forte somme. On jouait gros jeu, et le guignon me poursuivait. Je perdis tout ce que j’avais sur moi, les chevaux, la voiture. — Il ne put s’empêcher de rire. — Alors je pris une grande résolution, je me rangeai. Les voisins cessèrent de nous voir ; lui seul vint. Je n’en prenais pas ombrage. Mon exploitation m’absorbait ; je n’étais pas sans avoir quelques succès ; je trouvais du plaisir à voir pousser en quelque sorte sous ma main ce que je venais de semer moi-même. Au reste l’agriculture est aussi un jeu ; ne faut-il pas préparer son plan, le modifier à chaque instant selon les circonstances, et compter avec le hasard ? N’a-t-on pas les orages, la grêle, les froids et les sécheresses, les maladies, les sauterelles ?… Quand je rentre pour prendre le thé, que j’ai bourré ma pipe, je me rappelle que le cheval a besoin d’être ferré, ou qu’il serait bon d’aller dans le verger voir qui a été le plus fort de mon garde ou de mon eau-de-vie. Je prends ma casquette et m’en vais, sans penser à ma femme, qui reste avec les enfants.

On en parle chez les voisins : c’est encore un mariage comme les autres ; même le révérend M. Maziek arrive un jour, tout plein d’onction. Son vi-