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garde-moi bien, je te sauverai. — Ah ! maintenant elle dorlote dans l’enfant son propre être qui lui était à charge ; elle le voit grandir sur ses genoux, elle s’y attache, s’y cramponne. »

Après m’avoir lu ces fragmens, mon compagnon plia les feuillets et les cacha sur sa poitrine ; puis il se tâta encore pour s’assurer qu’ils étaient en place, et boutonna sa redingote. — Il en fut de même chez moi, dit-il, exactement de même. Je ne saurais en parler aussi bien que Léon Bodoschkan ; cependant, si vous voulez, je vous conterai cela.

— Certainement, je vous en prie.

— Eh bien ! ç’a donc été chez moi la même chose, absolument…

— Oui, interrompis-je pour l’encourager, d’ordinaire on appelle les enfans des gages d’amour.

Il s’arrêta, me regarda d’un air singulier, presque farouche. — Des gages d’amour ! Ah ! oui, s’écria-t-il, des gages d’amour !… Figurez-vous que je rentre à la maison, — une propriété vous donne bien du tracas ! — que je rentre las comme un chien courant ; j’embrasse ma femme, elle me déride le front de sa petite main, me sourit de son joli sourire, patatras ! c’est le gage de l’amour qui crie à côté, et tout est fini. On passe la matinée à se chamailler avec le mandataire, l’économe et le forestier, enfin on se met à table ; cela ne manque pas : à peine ai-je noué ma serviette, — ancien style, vous savez, — qu’on entend le gage de l’amour qui pleure, parce qu’il ne veut pas manger de la main de sa bonne. Ma femme y va, ne revient plus ; je