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comme pour me bénir. — C’est comme je vous le dis, frère, c’est ainsi ; ce n’est que cela. Écoutez mon histoire

II

Tel que vous me voyez, j’ai été un grand innocent, comment dirai-je ? un vrai nigaud. J’avais peur des femmes. À cheval, j’étais un homme. Ou bien je prenais mon fusil et battais la campagne, toujours par monts et par vaux ; quand je rencontrais l’ours, je le laissais approcher et je lui disais : Hop, frère, il se dressait, je sentais son haleine, et je lui logeais une balle dans la tache blanche au milieu de la poitrine ; mais quand je voyais une femme, je l’évitais : m’adressait-elle la parole, je rougissais, je balbutiais,… un vrai nigaud, monsieur. Je croyais toujours qu’une femme avait les cheveux plus longs que nous et les vêtements plus longs aussi, voilà tout. Vous savez comme on est chez nous ; même les domestiques ne vous parlent point de ces choses, et l’on grandit, on a presque de la barbe au menton, et l’on ne sait pas pourquoi le cœur vous bat quand on se trouve en face d’une femme. Un vrai nigaud, vous dis-je ! Et puis, quand je sus, je me figurai que j’avais découvert l’Amérique. Tout à coup je devins amoureux, je ne sais comment… Mais je vous ennuie ?

— Au contraire ! je vous en prie…

— Bien. Je devins amoureux. Mon pauvre père s’était mis en tête de nous faire danser, ma sœur et moi. On fit venir un petit Français avec son violon,