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— Vous aviez peut-être… — Je m’arrêtai, craignant d’être indiscret.

— Un rendez-vous ? Précisément. — Il cligna les yeux, tira d’épaisses bouffées de sa pipe, hocha la tête. Et quel rendez-vous ! comprenez-moi bien. Je puis dire que je suis heureux auprès des femmes, extraordinairement heureux. Si on me lâchait dans le ciel parmi les saintes, le ciel serait bientôt… que Dieu me pardonne le péché ! Faites-moi la grâce de me croire !

— Je vous crois volontiers.

— Eh bien ! voyez. Nous avons un proverbe « ce que tu ne dis pas à ton meilleur ami ni à ta femme, tu le diras à un étranger sur la grande route ». Débouche la bouteille, Mochkou, donne-nous deux verres, et vous, par miséricorde, buvez avec moi et laissez-moi vous raconter mes aventures, — des aventures rares, précieuses comme les autographes de Goliath le Philistin, — je ne dis pas comme les deniers de Judas Iscariote, j’en ai tant vu dans les églises de Russie et de Galicie que je commence à croire qu’il n’a pas déjà fait une si mauvaise affaire… Mais où est donc Mochkou ?

Le cabaretier arriva en sautillant, rua deux ou trois fois du pied gauche, prit un tire-bouchon dans sa poche, fit tomber la cire, souffla dessus, puis serra la bouteille entre ses genoux maigres, et la déboucha lentement avec des grimaces horribles. Ensuite il souffla une dernière fois dans la bouteille par acquit de conscience, et versa le tokaï doré dans les deux verres les plus propres qui soient tolérés