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les prairies avec leur système d’irrigation, le grand pâturage, — sorte de steppe en miniature dont les herbes parfumaient l’air, et où l’on voyait des troupeaux de moutons, de bœufs, de chevaux et d’oies manœuvrer comme des corps d’armée, — la forêt, l’abatage, les carrières, enfin les métairies avec la distillerie et la fabrique de sucre de betterave. Partout le même ordre parfait, les mêmes signes du triomphe de l’esprit sur la matière, et comme une bénédiction visible sur toute chose.

Nous fûmes de retour vers midi pour le dîner, qui fut servi dans une salle à manger décorée en vieux chêne sculpté. En sortant de table, Alexandre proposa une partie de billard, où Marcella nous battit à plate couture. J’allai ensuite faire avec le comte un tour dans les bois. La soirée fut fraîche, et ce fut avec un plaisir marqué que je vins m’asseoir à notre retour près du feu qui pétillait dans la cheminée de marbre d’un petit salon où nous attendait le thé.

Les jeunes oursons s’empressèrent de grimper sur nos genoux. Marcella parut bientôt en robe de soie gris clair et tunique de velours grenat, doublée et garnie de zibeline merveilleuse aux reflets d’or. Elle vint remplir nos tasses, nous offrit des cigarettes, puis alla se mettre au piano.

— Eh bien ! me dit Alexandre après une pause ; à quoi penses-tu donc ?

— J’ai beaucoup réfléchi sur le problème du bonheur, répondis-je, et je suis arrivé à cette conclusion, que le bonheur n’est que dans l’effort que l’on fait pour l’atteindre. Chacun porte en