Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/285

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

» Tes ordres ont été exécutés. Le blé est battu, on le chargera demain pour l’envoyer à la ville. »

XII

J’ai revu Marcella et son mari il y a deux ans. L’automne était revenu ; les teintes du paysage, toute la physionomie de la nature dans sa maturité dorée, me rappelaient les heures passées dans la société de mes amis, lorsque par une belle journée claire et tiède je poussai mon cheval dans la direction de Lesno. Des deux côtés de la route, les chaumes à perte de vue, entrecoupés de prairies vertes et fleuries, s’étalaient au soleil comme des tapis de Smyrne ; la forêt verte s’émaillait déjà de teintes jaunes et rouges ; le petit ruisseau limpide, qui semblait inséparable de la route, cheminait avec moi à travers ses cailloux blancs, et me racontait mille choses curieuses. De petits saules y trempaient leurs branches folles, qui se jouaient dans l’onde claire ; des abeilles, des papillons, des libellules, courtisaient les fleurs bleues et rouges dont les rives étaient ornées et remplissaient l’air de leur bourdonnement. Je traversai le parc, et mis pied à terre devant le perron ; deux cosaques se précipitèrent pour recevoir mon cheval et m’annoncer au maître de la maison.

L’antique manoir disparaissait sous l’étreinte du lierre qui grimpait sur les balcons et enveloppait les tourelles. Les fenêtres resplendissaient au soleil,