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que je l’aime, — bien que ce soit l’essentiel, — dit le comte, ni parce qu’elle est belle, et tu ne trouverais pas facilement sa pareille parmi les frêles jeunes filles de notre aristocratie ; ce qui me séduit en elle, c’est sa candeur. Elle ne sait rien ? tant mieux, je serai son maître. Et, sois tranquille, elle ne trompera pas mes espérances, car elle est merveilleusement douée, et j’ai pour la façonner du temps devant moi.

— Mais en attendant ?

— En attendant, répondit mon ami en me posant doucement la main sur l’épaule, en attendant elle saura me deviner, car elle possède ce génie du cœur qui révèle aux femmes ce que s’efforce vainement de comprendre notre esprit subtil.

Le soir même, le comte retournait à Zolobad avec l’intention de se déclarer. Lorsqu’il revint, il avait l’air si gai, si satisfait, que je ne doutais pas du succès de sa démarche.

— Lui as-tu parlé ? demandai-je dès qu’il entra.

— Oui, répondit-il en ôtant ses gants, sans se presser.

— Et…

— Elle m’a refusé, dit-il avec un sourire.

— Est-ce possible ?

— C’est comme je te le dis. Voici comment les choses se sont passées. Nous étions assis sur le banc de bois, les enfants et les couleuvres mangeaient leur lait doux dans une entente idyllique, le reste de la famille était encore aux champs. Je pris la main de Marcella, et lui dis : — Je t’aime, veux-tu