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Comme nous rentrons, par la fenêtre ouverte, nous voyons Marcella assise devant le manuscrit, qui était resté sur la table, occupée à le déchiffrer en suivant les lignes avec son doigt. Il l’appelle par son nom ; la pauvre fille tressaille, repousse le manuscrit, et l’instant d’après paraît sur le seuil.

— Eh bien ! n’es-tu pas d’avis qu’il vaut mieux le lire ensemble ?

Elle n’ose pas le regarder. — Si vous voulez bien avoir encore de la patience avec moi, dit-elle enfin en balbutiant… Je ne sais ce que j’ai depuis quelque temps… il me prend des… Et elle fond en larmes.

VI

Il y a de l’orage dans l’air. Le ciel est d’un bleu sombre ; les hirondelles rasent le sol, aucun oiseau ne chante dans la feuillée immobile. Les moissonneurs sont tous rentrés, Marcella seule est encore dehors. Nous apercevons au loin son foulard rouge qui se lève et s’abaisse dans les blés comme un coquelicot agité par la brise. Le comte va pour la chercher ; mais les premières gouttes tombent pesamment, et ils ne viennent pas encore.

— Allez donc voir ce qu’il y a, monsieur, dit la vieille paysanne. — Elle resta elle-même debout dans la cour, s’abritant les yeux d’une main et regardant.

Je traversai le verger ; en arrivant à la clôture, je vis de l’autre côté Marcella et le comte dans une conversation animée, presque véhémente. Marcella,