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était à la chaîne et se contentait de nous suivre du regard de ses petits yeux. Dans la cour stationnait une carriole de paysan, une banne d’osier posée sur quatre roues, attelée de trois petits chevaux bruns fort maigres, parmi lesquels une jument en train d’allaiter son petit poulain brun, qui aspirait la mamelle d’un air de parfaite béatitude en faisant de temps à autre tinter la clochette qu’il portait au cou. Au moment où nous tournions la voiture, la maison de bois, blanchie à la chaux et couverte en chaume enfumé, se trouvait devant nous, et sur le seuil était assise une jeune fille qui avait un fuseau à la main et filait, et à côté d’elle une chatte blanche s’allongeait au soleil, et nous regardait en clignotant. La jeune fille leva les yeux et tressaillit : c’était l’inconnue de la forêt.

— Tu es Marcella ? dit le comte.

— Que désirez-vous ? répondit-elle.

— Ta grand’mère est-elle à la maison ?

— Oui, elle y est. Donnez-vous la peine d’entrer.

Nous entrâmes. Au milieu d’une chambre proprette était assis sur un escabeau un petit garçon d’une huitaine d’années, vêtu d’une chemise et d’un pantalon de toile, pieds nus, coiffé d’un pot de terre ; un homme d’un certain âge était occupé à lui déshonorer les cheveux avec ses ciseaux en se guidant sur le contour du pot. Le gamin faisait une grimace comme un patient qu’on mène au supplice.

— Où est Hania, ma nourrice ? demanda le comte.

— Qu’y a-t-il ? répondit une voix de la pièce