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sent par devenir de véritables visions, — et toujours cela se réalise de point en point.

— Et quel est le pressentiment qui t’agite à cette heure ?

— Je t’avais dit que je voulais me marier, reprit le comte. Ç’a été le point de départ. Puis j’ai vu en rêve ma nourrice, et à ses pieds le Bonheur sous les traits d’une femme aux cheveux châtains et aux grands yeux bleus. Cette femme, c’est l’inconnue de la forêt, et cette inconnue, c’est Marcella, la petite-fille de ma nourrice, et, — tu verras, — cette Marcella sera ma femme.

— Est-ce que tu perds l’esprit ?

— Je sais ce que je dis. Et j’ajoute que je serai heureux avec elle comme jamais mortel n’aura été heureux.

— Ainsi tu es bien résolu ?…

— Il s’agit bien de résolutions ! Je vois ce qui sera. J’ai vu Marcella, non pas dans son costume de paysanne, mais en robe de velours garnie d’hermine, et elle était entourée de ses enfants… Cette après-midi, nous irons chez ma nourrice, et Marcella sera assise sur le seuil de sa chaumière, occupée à filer.

IV

Je ne pus me défendre d’une certaine émotion quand le soir de ce jour, traversant le village de Zolobad, nous approchions de la ferme de Nikita Tchornochenko. On ne voyait encore personne. La porte de la haie était entre-bâillée, le chien-loup