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III

Nous nous étions égarés dans les bois. Le soleil était déjà très bas, ses rayons perçaient entre les troncs rougeâtres qui nous retenaient captifs, et qui semblaient aller devant nous uniquement pour nous faire prisonniers de nouveau.

— Je pourrais me mettre en colère, dit le comte, si ce n’était pas de ma faute ; mais c’est à toi de me faire des reproches.

— Je n’ai garde, répliquai-je en riant ; on est très bien ici, — et je m’assis sur la plate-forme d’une souche d’arbre fraîchement coupé, où se dessinaient les anneaux concentriques des fibres ligneuses.

— Le plus sage sera de faire une halte, reprit mon ami, de finir nos provisions et d’appeler de temps à autre. Il passera bien par ici quelque chasseur, quelque bûcheron ou quelque fille qui récolte des champignons. — Il se fit un porte-voix de ses deux mains et se mit à crier : — Hop ! hop !

— Hop ! hop ! répondit la forêt.

Nous recommençâmes notre appel tous deux, mais l’écho seul nous donna la réplique. De guerre lasse, nous nous étendîmes sur les feuilles de sapin qui jonchaient le sol, pour déboucher notre dernière bouteille et partager un reste de viandes froides.

Une heure se passa ainsi. Nous causions tout en mangeant, et de temps en temps nos hop ! hop !