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— Eh bien ! Marcella.

— Marcella ? Qui est-ce, Marcella ? demanda le comte abasourdi.

— Mais la petite-fille de la vieille Hania, la fille de Nikita Tchornochenko, qui demeure à Zolobad, répondit simplement le brave Iendrik sans se douter de l’impression qu’il avait produite.

— Ma nourrice a une petite-fille, continua le comte, qui a des cheveux châtains ?…

— Et des yeux bleus,… sans doute, monseigneur, ajouta Iendrik.

— Tu la connais ?

— On dit que c’est un beau brin de fille, belle et bonne, et point sotte.

Le comte tomba dans une rêverie profonde. — C’est bizarre, dit-il enfin… Un de ces jours, nous irons faire une visite à la vieille femme.

Il était nuit lorsque le lendemain nous sortîmes des marais de Grokhovo et que nous arrivâmes à Zolobad. Le village dormait ; on n’entendait que le cri lugubre du hibou et le toc-toc des vers dans les vieux troncs des arbres qui bordaient la route, un bouillonnement d’eaux invisibles et de loin en loin des abois de chiens, quand la voix puissante de la forêt n’étouffait pas ces faibles bruits. De-ci, de-là, un filet de lumière s’échappait par une fente des volets fermés, et le murmure d’une prière monotone comme une plainte funèbre résonnait dans une chaumière. Le comte me montra une ferme à droite de la route, où, derrière la haie d’épines, un gros chien blanc faisait la sentinelle. — C’est là, dit-il,