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― C’est vrai, balbutia-t-il. ― Il l’étreignit avec force, ses yeux se mouillèrent. ― C’est pourquoi il est temps que je parte.

Deux minutes après, il était assis dans son traîneau. Olga, debout sur le perron, agitait son mouchoir en voyant le leste véhicule s’enfoncer dans les brumes de la nuit.

VIII

Elle l’attendit vainement le lendemain et les jours suivants. Arrive la Saint-Sylvestre ; cette fois il ne peut manquer de venir ; pourtant il ne vient pas. Le jour de l’an, il envoie sa carte par un serviteur.

La barina s’enferme chez elle, cherchant une issue et ne trouvant rien. Toute la vanité de la vie, toute la misère du doute, elle en mesure l’abîme. À la fin, elle ne raisonne plus, elle s’abandonne à la vague qui l’emporte vers une félicité sans bornes entrevue au loin.

Le lendemain matin, elle glisse ses pieds nus dans ses pantoufles et court à son bureau ; elle ne sait trop ce qu’elle lui écrit, mais il faut qu’il vienne ; la fièvre la dévore. ― Le Cosaque monte à cheval et part avec son billet ; il ne rapporte pas de réponse, et Vladimir ne vient pas.

Celui-ci est assis dans son vieux fauteuil délabré, à la fenêtre de son cabinet de travail, contemplant le paysage d’hiver et lisant le Faust, ce livre merveilleux qui l’a si souvent consolé et retrempé.

Dans ma poitrine, hélas ! deux âmes sont logées…