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― Tout le monde les dit, repartit Vladimir avec un mépris à peine déguisé.

― Eh bien, le monde en a menti, dit-elle avec force, la tête haute. ― Ses yeux brillaient, ses joues s’étaient colorées. ― Et moi, Vladimir, je dis la vérité. Je suis innocente du sang de ces hommes ; pas une goutte ne retombe sur moi.

― Ne cherchez pas à me convaincre, reprit-il d’un ton pénible, je ne puis pas vous croire.

Olga arrêta sur lui un long regard de douleur et d’amour, puis, les yeux secs, le front baissé, elle alla prendre dans son boudoir un paquet noué d’une faveur rose. ― Croirez-vous ces lettres ? dit-elle à Vladimir, qui l’avait suivie.

― Votre mari peut revenir d’un instant à l’autre, fit celui-ci avec inquiétude.

― Qu’il vienne, répliqua-t-elle ; je ne souffrirai pas qu’on m’insulte. Vous allez m’écouter, ensuite vous jugerez. Voici un billet de Litvine écrit deux jours avant sa mort. Est-ce là le langage d’un homme qui va se tuer pour un chagrin d’amour ?

Elle jeta le pli sur la table avec dédain. Vladimir le prit et le parcourut avec une hâte fiévreuse.

― Voici des lettres de Bogdan ; lisez-les. Est-ce là un amant s’adressant à une femme pour laquelle il va donner sa vie ? Litvine s’est brûlé la cervelle parce qu’il avait plus de dettes que de biens. Bogdan s’est battu avec le seigneur de Zavale à la suite d’une querelle de jeu. Voici encore des lettres de M. de Zawadski, du comte Mnischek, de tous les autres qui me poursuivent de leurs assiduités. Est-ce ainsi