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faction. C’est cela. Il faut que la femme vive, elle aussi ; comment faire ? La nature ne l’a pas douée pour le travail ; alors elle cherche à vivre à nos dépens. Que ne faut-il pas qu’un homme fasse pour arriver ! Une jeune fille n’a qu’à montrer son minois et le reste, et petite paysanne devient grande dame. Est-ce la vérité ?

— Oui, oui, c’est la vérité !

— La femme est notre perdition, reprit le capitulant. Ce n’est pas elle qui cherche l’homme, c’est l’homme qui cherche la femme ; voilà l’avantage qu’elle a sur lui, car ce sera elle qui dressera le compte. Si quelqu’un est dans l’eau jusqu’au cou, en train de se noyer, et vous pouvez le sauver, il a sur lui une bourse garnie d’or, il vous la jettera bien volontiers. Une femme avisée ne se contente pas de la bourse, elle traîne l’homme devant l’autel. Y êtes-vous ? Voilà aussi pourquoi deux femmes ne s’entendent pas mieux que deux tailleurs ou deux vanniers ; chacune voudrait placer sa petite marchandise le plus avantageusement possible, — et elle n’a pas tort. Est-ce que la femme n’est pas estimée selon le mari qu’elle a ? Une paysanne qui épouse un comte ne devient-elle pas comtesse ? Comprenez-vous maintenant ?

— Tout cela ne m’explique pas, dit Mrak d’un air maussade, comment tu peux toujours aimer la dame de Zavale, cette Catherine qui t’a si lâchement trahi.

— Tu ne le comprendras jamais, répondit le capitulant d’un ton sec.