Puis je revins au village avec mon congé quand mon père était mort.
— Ce n’est pas pour elle que vous êtes revenu ?
— Comment ? dit-il en haussant les épaules. Moi, un soldat licencié, et elle, une grande dame !… J’avais donc perdu mon père, et ma mère aussi ; j’étais seul. La terre était libre ; mais tout était vendu, il me restait la chaumière et quelques arbres fruitiers. Bel héritage, hein ? Qu’y faire pourtant ?
J’avais toujours eu un faible pour l’éducation des bêtes. Je me mis à étudier les abeilles, et j’eus un beau rucher derrière ma maison, — vous le connaissez ; puis j’élevai deux superbes chiens, de vrais loups, — le père d’ailleurs est un loup véritable, je l’ai connu, — deux beaux crocottes gris avec des yeux d’où sortent des flammes la nuit, et j’acceptai le poste de garde-champêtre de ma commune. J’ai aussi un beau chat, — il se mit à sourire, comme fait tout paysan galicien lorsqu’il parle des chats, — je l’ai sauvé de l’eau ; vous le connaissez bien, mon Matchek.
— C’est ses chiens qu’il faut voir, monsieur ! dit l’homme de carton d’un air d’admiration où perçait l’envie.
— Il les mérite bien, le capitulant ! s’écria Kolanko. Jamais la commune n’avait encore eu un garde comme lui !
— Je vous en prie, interrompit Balaban, n’importunez pas monsieur avec ces choses-là.
— Mais non, m’écriai-je, tout ce qui vous concerne m’intéresse beaucoup.