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tais presque. J’aurais voulu la voir dans la détresse, accablée de misère et de honte, et alors, malgré tout, je lui aurais tendu la main.

Le dimanche, pendant la grand’messe, je lève par hasard les yeux vers le chœur, — j’y aperçois Catherine en toilette. Elle était toujours belle, plus belle même qu’autrefois, mais pâle, maladive, fatiguée, avec des cercles noirs autour des yeux comme une mourante. — La figure du capitulant s’était étrangement illuminée d’un éclat tranquille. — Le sang s’arrêta dans mes veines, continua-t-il. « Qui est cette belle dame ? » demandai-je à un jeune homme qui ne me connaissait pas. Il me regarda d’un air hébété. « C’est la dame du château, la femme de notre seigneur », me répondit-il. C’était la vérité : le comte l’avait épousée en bonne forme, à l’église ; il avait raison, ma foi ! — Il eut un sourire. — Je pouvais la rencontrer à chaque instant ; à quoi bon ? J’allai donc travailler dans un autre village. Tout n’était-il pas fini entre nous ?

VI

Il se tut. Ses bras pendaient inertes, sa tête s’était penchée en avant, et il regardait fixement le brasier ; ses traits de bronze avaient repris leur expression de sévérité impassible, dans ses yeux brûlait un feu contenu. Le silence était profond autour de nous ; la nuit couvrait le paysage de son voile mystérieux. — Est-ce que votre histoire se termine là ? demandai-je après une pause.