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quand je la vois entrer avec des papillotes plein la tête comme une belle dame, et une robe à traîne, et une cigarette à la bouche. Je la regarde, et ne lui baise point la main. — Est-ce qu’elle t’écorche les lèvres ? crie-t-elle aussitôt, et elle me frappe du revers sur la bouche, par deux fois. — Voilà ce que me raconta la vieille, et bien d’autres choses encore : que la Catherine était logée comme une princesse, qu’elle portait des robes splendides, mangeait dans de la vaisselle d’argent, montait à cheval, et faisait fouetter les gens à cœur-joie. — Tout cela ne l’empêche pas d’être une mentresse, dis-je.

À cette époque, quand je me trouvais tout seul dans la forêt, je songeais plus d’une fois à me faire brigand, Dieu me pardonne le péché ! à devenir un haïdamak qui met le feu aux châteaux et cloue les nobles par les pieds et les mains aux portes de leurs granges, comme des oiseaux de proie. Ma conscience ne voulut pas se soumettre ; une voix intérieure me répétait nuit et jour : — À quoi prétends-tu, toi, paysan, fils de paysan ? Qu’as-tu besoin d’un fusil ? Voudrais-tu seul déclarer la guerre aux hommes ?… — Je finis par m’apaiser, et je restai au village ; mais je pris une résolution, celle de faire mon devoir strictement, et de ne rien souffrir de contraire à mon droit.

Bien, voilà qu’un jour je rencontre Kolanko, qui se traîne dans la neige comme un chien blessé. Ma Catherine l’avait fait fouetter, parce qu’il ne l’avait pas saluée avec le respect qu’elle exigeait. Je m’arrêtai, et il m’apprit…

— Figurez-vous, interrompit le centenaire, im-