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le vieillard avec humeur. Ce serait la septième fois, si j’ai bonne mémoire. J’aimerais mieux autre chose.

— Dis-nous plutôt ton histoire, insista l’homme de carton.

— Quelle histoire ?

— Eh bien ! celle de la Catherine qui demeure là-bas, de la comtesse enfin, reprit l’homme de carton à voix basse, mais avec une nuance d’amertume méprisante, et dans ses yeux brilla un éclair où se lisait la haine invétérée de nos paysans pour les nobles.

— L’avez-vous connue ? demanda Frinko Balaban sans lever les yeux. — Personne n’osa prendre la parole. — Eh bien ! moi, je l’ai connue.

Sa voix vibrait, douce et triste comme la dernière note de nos chants populaires. Lentement il levait la tête, il était pâle, ses yeux s’ouvraient grands et fixes comme ceux d’un visionnaire.

— À présent il va raconter, chuchota le Mongol en poussant du coude l’homme de carton.

Tous se mirent à leur aise pour écouter. Mrak, qui montait la garde comme une vraie sentinelle, interrompit sa promenade et s’arrêta derrière nous, appuyé sur sa faux.

III

— Où donc l’ai-je vue pour la première fois ? commença le capitulant. Ah ! oui, j’y suis, c’était dans les aulnaies de Toulava ; elle cueillait des noi-