à mon tour. On prétend que vous racontez bien.
— Voulez-vous un conte de fées ? répondit-il avec un empressement poli.
— Non, des choses qui vous sont arrivées à vous-même.
Le centenaire approuvait de la tête. — Il en sait plus long que bien des gens, dit-il de sa voix éraillée.
Le capitulant se passa la main sur le front. — Que pourrais-je vous raconter ?…
— Mais qu’est-ce donc que le Juif voulait dire tout à l’heure ? demanda l’homme de carton en avançant le cou et en clignant ses yeux moroses.
— Ah ! mon Dieu ! c’est toute une histoire, repartit le capitulant d’un ton bas ; ses regards se fixèrent sur le feu, une expression de tristesse navrante se répandit sur ses traits.
— Une histoire ? dit avidement Kolanko.
— Une histoire comme il y en a beaucoup ; tout cela est bien vieux déjà, et nullement intéressant.
— C’est une histoire d’amour, ajouta l’homme de carton à mi-voix, d’un air pudique, avec un regard de côté sur l’ancien soldat en dessous.
— Ça doit être curieux, s’écria Kolanko.
— Point curieux du tout, répondit le capitulant ; des choses qui arrivent tous les jours. J’aime autant vous parler de la guerre de Hongrie… Mon régiment s’était donc mis en marche…
— J’espère que tu ne vas pas nous faire marcher encore une fois de Doukla à Kaschau[1] ? interrompit
- ↑ La première marche du corps du général Schlick dans la campagne d’hiver.